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Les Security Tokens vont-ils faire de 2019 l’année de l’innovation financière?
Au moment où le marché des crypto-monnaies maltraitent les investisseurs, une partie des acteurs du marché restent optimistes et se focalisent maintenant sur les jetons financiers, plus connus sous le nom anglais de security token, dont il est dit qu’ils reprendront les rênes des actifs numériques.
Nous vivons dans un monde à deux vitesses. Depuis la fin de l’année dernière, les security tokens et les security token offerings (STO) ont fait la une des infos de l’industrie. Ils font officiellement le buzz dans le monde de la crypto et de la fintech qui ne peut s’empêcher d’en parler. Tout le monde tentent de comprendre les tenants et aboutissants de cet actifs digital tout en essayant de réaliser un financement participatif en corrélation avec la régulation en vigueur. En prenant compte du fait de la nouveauté de ce nouveau système crypto, nous faisons face à manque considérable d’informations sur le sujet.
Les lois sur la sécurités ne datent pas d’hier, la plupart créées à un moment Internet n’existait même pas. La blockchain ne fait que compliquer la situation, instaurant un effet boule de neige d’incertitude sur comment dans les faits ces réglementations affecteraient l’émission de tokens.
C’est pour cela que Blockchain Land a rassemblé divers experts sur le sujets – droit, finance et technologie – le 31 janvier 2019 dans la capitale française. Lors de cette première conférence académique, ils ont pu partager leur savoir avec des invités institutionnels afin de discuter de l’impact futur de la tokénisation des actifs en Europe et aux Etats-Unis dans la crypto-finance de demain.
Thibault Verbiest et Frederic Bellanca (Partners at DS Avocats), Natalie S. Lederman (Attorney at Sullivan & Worcester LLP), Daniel Coheur (Chief Strategy Officer at Tokeny), Marina Teller (Professor of Private Law at University of Nice), Soheil SK (Co-founder & VP Strategy at TBG) et Paul Bougnoux (Psion Finance)
Plusieurs pays à l’échelle mondiale s’intègrent dans le mouvement vers la numérisation mais l’attention internationale se tournent vers l’Europe puisque de plus en plus de pays se positionnent pro-crypto comme Malte, la France, l’Estonie, l’Allemagne, la Suisse et le Royaume-Uni. La question centrale se pose autour de l’identité du pays européen qui prendra la tête dans la course vers l’économie blockchain face aux Etats-Unis.
Dans cet article exhaustif, nous nous pencherons sur l’évolution des security tokens: de leur spécificités à la position actuelle de l’Europe face aux ICOs et STOs mais aussi, sur la question de la conformité de l’institution américaine Securities and Exchange Commission (SEC) et enfin, sur les raisons d’adoption de cette tendance par les institutions.
L’année 2019 sera-t-elle celle de l’innovation financière?
La révolution de la tokénisation des actifs
Aujourd’hui, près d’un tiers de la richesse mondiale est constituée en liquide. Comme vous pouvez le deviner, le reste est tenue en immobilier et sécurité. Toute cette liquidité est bloquée et les security tokens ne peuvent que faire bouger les choses. Maintenant, imaginez un monde dans lequel vous pouvez vendre vos actifs.
Un concept relativement simple n’est-ce pas? Simple mais qui a pourtant attiré l’attention des institutions financières mondiales, des entités boursières aux banques.
Alors que dans un Initial Public Offering (IPO), l’échange d’investissement se fait contre une part ; dans une ICO, il se fait contre un token. Il existe donc plusieurs types de tokens – les utility tokens et les security tokens.
Quelles est la différence entre security token et utility token?
Les utility tokens peuvent être vus comme des bons qui donnent accès à produit défini. Contrairement aux security tokens, les utility tokens offrent à son propriétaire une possibilité d’utilisation sur le réseau d’origine tout comme en produits et en services.
Les security tokens sont des actifs numériques qui se reposent sur des smart contracts afin de diviser la possession de certaines entités légales. Ils permettent la numérisation d’investissements traditionnels à travers un système appelé “tokénisation”. Les actifs tokénisés ont la caractéristique d’être plus stables que les crypto-monnaies communes.
Ce sont de smart contracts qui représentent le capital de l’entreprise, ce qui offre au propriétaire un droit de vote et surtout, le droit de partager ses dividendes. Outre le fait d’être numérisés, les security tokens se comportent comme des actifs traditionnels et de manière analogique, tombent dans la même réglementations que les crypto-valeurs conventionnelles.
Le Security Token Offering (STO) est une campagne de levée de fonds par laquelle une entreprise vise à recevoir un soutien financier sur son projet. L’entreprise donne alors aux investisseurs des security tokens en échange de fonds.
Du côté financier, les security tokens ouvrent plus de possibilités aux investisseurs que les utility tokens. En effet et de manière générale, les investisseurs ne sont pas tentés par l’utilisation unique de la crypto-monnaie reçue sur son réseau dédié, mais ils préfèrent plutôt spéculer sur des marchés secondaires. Comme expliqué par Daniel Coheur, Directeur Stratégique chez Tokeny, l’investissement dans les security tokens ne devrait pas être plus compliquée que d’acheter des actifs bancaires.
Comme l’a très bien expliqué Marina Teller, Professeure de Droit Privé à l’Université Nice Sophia Antipolis, le monde des security tokens n’est plus limité à ceux qui connaissent la cryptographie. Les règles sur les actifs conventionnelles préalablement établies seront adaptées et mises en vigueur pour la génération 2.0 des tokens qui permet une monétisation des actifs encore oubliées. Les possibilités sont multiples et nous devons évoluer en même temps que les développements de cette technologie financière.
Le financement participatif en toute légalité
Comme les security tokens se comportent telles des valeurs traditionnelles, ils sont perçus comme un moyen plus sécuritaire pour lever des fonds d’investissement. En effet, les security tokens possèdent un système de protection infaillible contre les scams. Dans un monde post-ICO, cela n’est pas une surprise que de dire que les startups et investisseurs sont avides d’en apprendre plus sur les STOs et toutes formes de réglementations concernant ce processus.
Cette soif de connaissance est particulièrement cruciale puisque les instances gouvernementales examinent minutieusement les initiatives de levée de fonds. Se conformer aux lois et réglementations peut se révéler être une tâche complexe avec pour résultante, soit de bloquer le financement du projet ou bien de décourager les entreprises dans l’optique d’une levée de fonds.
Prenons un exemple venant des Etats-Unis.
La réglementation américaine
L’institution financière américaine Securities and Exchange Commission (SEC) a fait le buzz cette année en rendant publique sa position extrêmement dubitative sur les crypto-actifs. Les Etats-Unis étaient l’un des premiers pays à initier la légitimation des tokens. En 2018, le SEC a fait une série d’investigations autour des crypto-entreprises et de leurs tokens. Afin de mener une campagne de levée de fonds participative en accord avec la réglementation américaine, il faut passer par tout un processus bien précis. L’entreprise doit candidater auprès de la SEC pour le droit à mener une offre sans quoi il est interdit d’émettre ou de vendre des security tokens. Bien que le parcours soit long et sinueux, la SEC ne refuse que rarement une nouvelle demande d’offre de security tokens tant que l’entreprise remplit toutes les conditions d’acceptation.
Cela rend les STOs plus attractifs comparés à un financement participatif de type ICO. En effet, les ICOs ont été minutieusement contrôlées et régulées par le chien de garde financier américain compte tenu des innombrables scams et faux projets qu’a subi le monde de la crypto ces dernières années. Les barrières législatives auxquelles se confrontent les startups, les investisseurs et les régulateurs aux Etats-Unis mais aussi dans le monde entier, ne sont qu’une conséquence des effets indésirables de financements participatifs non-encadrés. Selon la SEC, “la plupart, sinon la totalité, des ICOs allaient à l’encontre des règles d’immatriculation de valeurs”.
Selon Natalie Lederman, avocate au sein de l’entreprise américaine Sullivan & Worcester LLP, “il y a un mythe grandissant autour d’un marché américain soit disant impénétrable. Le simple fait de bien comprendre la définition de ‘valeurs’ -’securities’ dans le texte- rend la tâche de mener à bien une offre de security tokens aux Etats-Unis accessible et atteignable.”. En effet, elle explique que les actions et même les dettes peuvent être considérées comme des actifs. Cependant, Me Lederman conseille à tous de créer un “robuste document en communication” et un contrat d’achat performant.
L’Europe et ses réglementations
Dans l’Union Européenne et depuis 2018, les security tokens tombent dans le giron de la réglementation MiFIDII. La MiFIDII est un cadre de règles qui a pour but de “renforcer la protection des investisseurs et d’améliorer le fonctionnement des marchés financiers”. Malgré cela, l’impression générale est que la réglementation européenne est plus laxiste. Comme l’explique Thibault Verbiest, avocat et associé chez DS Avocats, l’Europe comprend plusieurs pays qui ont autorisé des levée de fonds conséquentes via des ICOs, qui n’étaient pas perçues comme une menace directe envers les droits financiers.
Malte a été le premier pays à promulguer un cadre légal régulant la blockchain et les crypto-monnaies. En ce qui concerne le financement participatif, La Valette requiert un “visa” pour toutes personnes ou entités souhaitant soulever une ICO ou une STO.
Également, le Liechtenstein est en tête de pont pour devenir le pays leader dans la crypto en Europe en effet, ils ont publié leur premier document relatif aux ICOs en 2017. L’Autorité des Marchés Financiers recommande cependant de clarifier avec elle au préalable le statut des ICOs, puisque les activités prenant en compte des instruments financiers sont sujettes à une autorisation.
De plus, la France s’est elle-même ouverte au monde de la crypto et de la blockchain via l’institutionnalisation l’an passé, d’un nouveau cadre régulatoire des crypto-monnaies et des ICO, connu sous le nom de PACTE. Similairement à Malte, la France requiert un visa pour toutes levées de fonds.
En corrélation avec l’ouverture du gouvernement pour l’innovation technologique, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a récemment modifié sa réglementation afin de qualifier comme “légales” les IPOs allant jusqu’à 8 millions d’euros puisqu’elles ne sont pas considérées comme un appel d’offre publique de titres financiers.
Avec la dernière initiative gouvernementale envers l’innovation digitale, Paris s’est imposée comme l’une des nations leaders pour l’investissement et la régulation de titres. Selon le Ministre de l’Economie et de la Finance, dans une déclaration de Mai 2018, la France souhaite instaurer “l’immatriculation d’une émission ou d’un transfert d’actifs financiers dans une blockchain de la même manière que l’inscription scripturale de ces même titres.”
Les STOs approvisionnent-elles la sphère institutionnelle?
Depuis le début du buzz autour des STOs, tous parlent d’une seule et unique problématique: les entités financières tomberont comme un couperet sur les cryptos. Wall Street et le monde de la crypto-finance sont loin d’être amis et la discussion tourne vite au vinaigre.
Le choc entre ces deux systèmes financiers soulève pourtant une contradiction d’importance: quels sont les attentes de chacun? Est-il question d’enrichissement personnel ou serait-ce une ambition pour une économie globale plus performante et inclusive, avec un contrôle indépendant sur les actifs?
Peu importe ces attentes, depuis la chute des ICOs, chacun se précipite afin de proposer un service aux institutions financières. Des tierces entreprises de garde de titres comme Fidelity ou l’ICE approvisionnent la forte de demande boursière venant d’investisseurs institutionnels qui cherchent à s’inclure dans la crypto-économie. Nous notons le comble de l’histoire: les institutions financières finissent par vouloir adopter une technologie hétérodoxe, justement créée pour s’affranchir d’un système institutionnel.
Maintenant, pour remplacer les ICOs, il y a eu une montée rapide d’une alternative aux actifs traditionnels laquelle se base sur une forme crypto, et qui peut être soit une obligation soit un capital. Par exemple, les investisseurs en ICOs ne peuvent pas monitorer et contrôler le prix de leur tokens, risquant de n’avoir aucun visuel sur un ralentissement dramatique de leur valeur. Des entreprises côtées en bourse à Wall Street changent dorénavant d’avis: d’abord en complet dédain pour la tendance grandissante autour des ICOs, elles se ruent sur l’idée des security tokens puisqu’ils sont conçus pour apporter une forte plus-value, particulièrement sur l’habileté des smart contracts d’optimiser la relation entre investisseurs et émetteurs.
En revanche, bien que les STOs sont moins disruptives que les ICOs, le changement qu’elles apporteront se fera sentir dans les marchés de titres primaires – les entreprises traditionnelles d’investissement et autres investisseurs accrédités. Cela implique que les investisseurs individuels se confronteront à un accès encore plus limité aux STOs, activant le rôle des courtiers en valeurs mobilières afin de contrer l’institutionnalisation de ce modèle.
L’année de l’innovation financière
Après cette analyse il nous vient une question cruciale: sommes-nous en train de subir une évolution du système financier actuel?
Il existe deux raisons principales qui expliquent la haute attractivité des STOs dans toutes professions, allant des avocats aux institutions gouvernementales aux investisseurs. La première est la nature intrinsèque d’une STO: en tant qu’actif numérique, sa conception est faite pour être en conformité avec la réglementation. La deuxième découle de la première: puisque la conformité légale est respectée, les actifs numériques peuvent être opérés en bourse sur des marchés réglementés.
Cet atout de protection complémentaire fournit un taux de confiance plus élevé auprès des investisseurs ce qui résulte sur un intérêt grandissant des institutions pour la crypto-sphère. Cette dernière expérience alors une acceptation large par de nombreuses entités et une rapide maturation de l’industrie. Ces avantages économiques ont un fort impact sur le monde crypto via une visible préférence pour les STOs comme moyen de financement participatif. Contrairement aux ICOs, elles offrent une certaine couverture des actifs et un cadre de régulation plus fiable qui encouragent les investisseurs.
Que peut-on donc attendre de l’année 2019? Cette question était au centre de la discussion de la conférence sur la tokénisation des actifs.
L’évolution du marché a apporté une finesse chez les investisseurs, une meilleure réglementation et un marché en forte demande. D’une année 2017 sauvage, pendant laquelle les ICOs étaient en pleine vitesse, le monde crypto est passé à un environnement où les startups et investisseurs sont avides de réglementations et de sécurité. La prochaine étape se fera parmi les émetteurs de tokens qui devront se familiariser avec les procédures de chaque pays mais aussi parmi les plateformes de trading pour introduire de manière conforme et sécuritaire les security tokens. Des exemples déjà proactifs sur ce sujet sont BitGo, Coinbase et ICE. En Europe, Malte, le Royaume-Uni, le Liechtenstein, l’Allemagne et la France se sont lancés dans une course à une régulation pro-crypto.
Les sujets abordés par la conférence étaient purement alignés avec les grandes tendances du marché. Comme souligné par Mr Verbiest, la régulation du marché secondaire européen serait mise à jour en 2019. Par conséquent, les marchés boursiers et crypto majeurs en Europe commenceront à échanger des security tokens. De manière similaire, les startups évoluant dans un environnement post-ICO s’impliqueront dans les security tokens afin d’initier des levées de fonds de manière plus sécurisées. L’année 2019 s’annoncent comme l’année de l’innovation financière via un apport de liquidité vers les échanges de security tokens.
La technologie étant en perpétuel mouvement, la numérisation des actifs conventionnels est inévitable et même, indispensable. Bien qu’elle ne bouleversera pas le monde de la finance en profondeur comme l’a fait l’entrée de la crypto-monnaie en 2017, cette numérisation changera certainement la façon dont les levées de fond sont effectuées, la façon dont les investissements sont menés et bien évidemment, l’approche réglementaire des gouvernements envers les actifs numérisés.
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